La saga des BPC pour la Russie. Septembre 2014

La saga des BPC pour la Russie. Septembre 2014

 

La saga des BPC « russes »

 

Résumons :

DCNS est depuis 2003 une société de droit privé ayant l’État pour principal actionnaire (64%), suivi de Thalès avec 35%.

En 2011, DCNS signe un contrat avec Rosoboronexport, pour la fourniture à la Marine russe de deux BPC de la classe « Mistral », à technologie très avancée.

L’invasion de la Crimée par l’armée russe avait déjà soulevé certaines protestations en France et à l’étranger, car STX s’apprêtait à mettre le premier navire  à disposition d’un équipage de la Marine russe pour qu’il se familiarise au cours d’essais en mer.

Monsieur Fabius, ministre des Affaires étrangères, avait alors affirmé que la France se devait d’honorer ce contrat commercial.

Remous divers, mais « les chien aboient, la caravane passe »

Nous voici donc empoisonnés par un conflit qui –tout bien réfléchi- ne nous concerne pas : Oublions la Crimée, où les russophones sont très largement majoritaires pour nous concentrer sur l’est de l’Ukraine :   il y a de grosses poches pro-russes qui ne demandent que leur rattachement à leur riche et grand voisin. Le rôle des autres nations ne serait-il pas de s’assurer que les minorités soient protégées et puissent éventuellement vivre dans l’est en conservant leur passeport ukrainien, ce dont personne ne parle, ni d’un côté ni de l’autre. Doit-on pour autant faire les frais d’un entêtement parfois stupide ?

Hors, depuis que la Russie a envoyé des troupes dans les zones en question, les chien aboient toujours, mais suffisamment fort pour que la caravane s’arrête et monsieur Fabius affirme maintenant, au nom du gouvernement, que la situation ne permet plus d’envisager la livraison ; la construction du deuxième navire continue néanmoins en attendant des jours meilleurs, sous-entendu : quand les choses se seront calmées. Ce que confirme François Hollande le 4 septembre, en mentionnant qu’un cessez-le-feu durable arrangerait les choses.

Il y a cependant un risque, peut-être sous-estimé : Vladimir Poutine, ancien colonel-directeur du KGB n’est pas exactement un tendre ; il est même assez expéditif. Dès que les « occidentaux » ont déclaré des sanctions contre son pays à propos de l’Ukraine, il a pris tout le monde de court en déclarant à son tour que la Russie cesserait immédiatement d’acheter quoi que ce soit aux pays qui participent au boycott, et pour un an, ferme, prenant ainsi par surprise nombre de gouvernements qui avaient pensé à tout…sauf à ça !

Soyons clairs : si les sanctions occidentales gênent la Russie, elle gêne encore plus les » sanctionneurs ».

Les russes disposent d’énormes réserves de minerais, de gaz naturel et d’hydrocarbures. Pour eux, il est facile de proposer de l’exporter à d’autres que leurs clients traditionnel, principalement européens.

Comme ils viennent de le faire pour les produits agricoles, on change simplement de pays fournisseurs.

Il y a forcément un certain flottement au départ, mais une fois les systèmes d’import/export mis en place, tout devient de la routine.

C’est un peu l’arroseur arrosé.

Qu’avons-nous à gagner en ne livrant pas les BPC en temps voulu, c’est-à-dire en novembre ?

À part l’éphémère estime de nos alliés du moment, strictement rien.

Nous avons au contraire tout à perdre : 1967, pendant la « guerre des six jours », le général De Gaulle, qui n’aimait pas Israël, ordonne que les chantiers de Cherbourg refusent la livraison de vedettes rapides commandées par la Marine israélienne (Israël utilisera un subterfuge pour se les procurer)

Mais le général avait fait beaucoup mieux : il avait bloqué la livraison de pièces détachées pour les avions « Mirage » de l’armée de l’air d’Israël.

Nous ne leur avons plus vendu pour un centime de matériel militaire depuis et 90% de leurs besoins passaient par nous.

Ils ont maintenant du matériel américain ou fabriqué localement.

Si M. Poutine, excédé par nos atermoiements, décide d’annuler purement et simplement la vente pour non-respect du contrat, nous risquons -outre le contentieux financier engendré (on parle de plusieurs milliards)- de nous retrouver avec nos deux BPC sur les bras. Mais on ne trouvera pas un acheteur du jour au lendemain : les pays en voie de développement ou ceux du Moyen-Orient n’ont pas les fonds nécessaires, et quand ils les ont, ils manquent souvent du personnel spécialisé pour opérer de tels navires.

Les pays qui utilisent déjà ce type de bâtiment de haute technologie sont en général eux-mêmes constructeurs, voire exportateurs et ne nous les prendront donc pas.

De plus, ils sont construits pour naviguer dans les mers froides, y compris la mer de Barents, avec sans doute des caractéristiques identiques à la flotte du grand nord, basée à Mourmansk : tôles d’acier plus épaisses et étrave renforcée.

 

Bien sûr, on pourra au pire les garder ; ce qui fera certainement le bonheur du chef d’état-major de la Marine, qui n’en espère pas tant…

Malgré les grands serments de leurs dirigeants, certains gros groupes continuent à fournir plus ou moins discrètement la Russie ; de toute façon, même s’il leur manque quelque matériel de pointe, les russes n’auront aucun mal à se les procurer, en y mettant le prix.

Et si pour changer, nous raisonnions à long terme : nous risquons tout simplement notre crédibilité en temps que fournisseur militaire.

Quand le conflit actuel sera –espérons-le- réglé- il sera tenu compte de notre attitude passée.

Alors, il ne nous reste plus qu’à souhaiter que nos ministres et diplomates, tout en affichant la fermeté de rigueur, continuent à rassurer discrètement les acheteurs, qui rappelons-le, ont de l’argent, beaucoup d’argent, pétrole et gaz obligent,  et nous avons des chômeurs, beaucoup de chômeurs…

 

«Un pacifiste, c’est un mouton qui croit que les loups sont végétariens »

Jacques Faizant

 

Sébastien d’Aurade

050914

 

 

 

 

 

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