Bugaled Breizh

L'affaire du Bugaled Breizh

 

                                   L’affaire du Bugaled Breizh

 

 

Les experts du BEA ont fait une enquête essentiellement technique. Ils ont donc recherché les causes de l’accident sans chercher à établir de responsabilités.

Au contraire, les experts judiciaires choisis par le juge d’instruction ont fait leur enquête en vue de les déterminer. Le Procureur de la République avait invité les deux groupes d’experts à travailler en totale transparence : les éléments recueillis par les uns ont été effectivement communiqués aux autres et vice-versa. Par contre, les rapports ont été établis séparément.

Le rapport provisoire du BEA a été communiqué un mois après l’accident et ses conclusions n’ont pas varié depuis : le Bugaled Breizh n’a pu se dégager d’une croche. Il avait eu le même accident peu de temps avant (2 à 3 mois ?) et n’avait pas changé son filet, ce qui explique que l’on ait pu constater l’usure anormale d’une des funes. Soulignons à ce propos que les quelques traces de titane relevées ne peuvent venir de la peinture d’un sous-marin : elle contient de nombreux autres composants dont la présence aurait été également décelée.  Le patron de pêche d’un navire identique immatriculé à Dunkerque a connu peu de temps après (6 mois ?) le même accident et, après s’en être sorti au bout de deux heures d’efforts, a dit : « c’est certainement ce qui est arrivé au Bugaled Breizh.

Les fonds sous-marins, même sableux, sont jonchés de débris de toutes sortes, facilitant malheureusement ces croches.

Les experts judiciaires sont arrivés à la même conclusion. Par contre, le Procureur de la République avait continué à soutenir la thèse de la culpabilité d’un sous-marin, sans l’ombre d’une preuve...

Le 4 juillet 2013, le tribunal devait enfin signifier la fin de l’instruction et un non-lieu était demandé le 25 mars 2014, pour clore cette triste affaire. Les juges nantais  le confirmaient le 27 mai 2014, dix ans après le naufrage.

On pouvait penser que l’affaire allait s’arrêter là, pas du tout : l’avocat des familles fait appel !

Une certaine presse, quelquefois même spécialisée dans le domaine maritime, se fait de nouveau l’écho de l’hypothèse de l’abordage par un sous-marin anglais ou américain, sans la moindre preuve. Peut-on sérieusement penser qu’une Marine de ces pays  puisse faire réparer en catimini les dégâts d’une telle collision sans qu’il y ait des « fuites », sans compter les sanctions de rigueur qu’il aurait fallu prendre contre le commandant ?

Mais voilà : nous sommes à une époque où le fameux « c’est la faute à pas de chance » n’existe plus. Il faut un coupable, de préférence solvable. Souvenons-nous de l’affaire du Mont Sainte-Odile qui a vu la condamnation d’Airbus à indemniser les familles des victimes in solidum avec Air France, car « civilement responsable » alors qu’aucune faute pénale n’avait été retenue. Plus récemment, la lourde condamnation de Total après le naufrage de l’Erika a placé l’essentiel de la responsabilité sur l’affréteur, qui s’était fié à un rapport de la société italienne Rina  qui avait accordé au navire sa meilleure classification. Visiblement, les juges ignoraient tout de la manière dont se traitent les affrètements au pétrole. Mais Total était la seule entité solvable, les italiens ayant fait savoir qu’il n’était pas question que le Rina, société contrôlée par l’État, puisse payer quoi que ce soit…

Nous avions le fameux « responsable mais pas coupable » et nous avons maintenant l’impression d’aller vers une nouvelle forme de jugement, le « coupable mais pas responsable »

Nous compatissons au deuil et au combat des familles des victimes, mais désapprouvons totalement la position de certains avocats, en mal de finances et/ou de notoriété, poussant leurs clients à la recherche d’un coupable, quel qu’il soit, pourvu qu’il ait de l’argent. Ce qui est à craindre est que les juges finissent par aller systématiquement dans ce sens, faussant ainsi la      réalité.

Si la Cour d’appel finit par condamner –sans preuves- la Marine britannique ou américaine, pense-t-elle sérieusement qu’elle va payer ?

Petit conseil à l’avocat : la seule solution est de trouver un sous-marin français comme coupable ; notre Marine devra alors indemniser les victimes. Pour certains, il s’agira d’une victoire ; pour d’autres, dont je suis, d’une triste parodie de justice.

 

Sébastien d’Aurade

280514

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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